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Parmi les questions d’évaluation que peuvent se poser les professionnels du capital investissement, savoir combien de temps un investissement peut être conservé à son prix d’entrée est une des questions qui refait surface régulièrement.
La directive AIFM (Alternative Investment Fund Manager), qui fournit le cadre réglementaire aux gestionnaires de fonds alternatifs en Europe, ne donne aucune indication sur les méthodes d’évaluation à appliquer pour évaluer un portefeuille. Elle stipule toutefois que les méthodes d’évaluation des participations doivent permettre d’obtenir la valeur nette d’inventaire (« net asset value » ou « NAV »).
La NAV peut être définie comme la valeur de marché des actifs détenus par le fonds moins ses passifs. Ainsi, d’un point de vue réglementaire, la précédente question pourrait être orientée différemment. Il s’agit plus de savoir combien de temps le prix d’entrée peut être considéré comme un bon indicateur de la valeur de marché d’un investissement.
Si la directive AIFM ne fournit pas plus d’indication à ce sujet, les lignes directrices de l’International Private Equity and Venture Capital Valuation (IPEV) formulent certaines recommandations ou bonnes pratiques. Dans sa dernière publication, datée de décembre 2022, l’IPEV stipule que « la juste valeur peut être égale au prix d’un investissement récent ; néanmoins, le prix d’un investissement récent n’est pas automatiquement considéré comme représentant la juste valeur. ».
En effet, l’un des changements importants des dernières publications (depuis la publication de 2018) est que le prix de l’investissement récent (« price of recent investment ») n’est plus considéré comme une méthode d’évaluation à part entière. Cela ne signifie pas que le prix d’entrée ne peut plus être retenu pour évaluer un investissement mais que l’évaluateur doit appliquer une approche séquencée qui repose sur l’étalonnage (ou calibration) :
- L’évaluateur doit s’assurer que la transaction récente est une transaction « normale » (à « arm’s lentgh ») et que le temps écoulé soit limité entre les phases de signing et de closing ainsi qu’avec la date d’évaluation ;
- Si le prix d’entrée est considéré comme représentatif de la juste de valeur, l’évaluateur doit mettre en œuvre les méthodes d’évaluation usuelles (actualisation des flux de trésorerie, multiples, actif net) et mettre en place un étalonnage.
Par exemple, si le prix d’acquisition se base sur un multiple d’EBITDA de 8 alors que les multiples d’EBITDA de sociétés comparables sont de 10, l’évaluateur retiendra une décote de 20 % par rapport aux multiples des sociétés comparables qui pourra être maintenue ou modifiée ;
- Lors des exercices d’évaluation suivant l’entrée, l’évaluateur devra apprécier si des changements ou évènements significatifs impliquent de modifier la valeur d’entrée. De manière pratique, il conviendrait d’appliquer les méthodes usuelles, avec les données de marché et de la société à jour. Après application de l’étalonnage, l’évaluateur pourra constater que la valeur d’entrée peut toujours être retenue ou non comme valeur de marché.[1]
Ainsi, dans notre exemple ci-dessus il est tout à fait possible que quelques mois après l’entrée de l’investisseur au capital de la société les multiples des comparables passent de 10 à 7. Il conviendra donc à l’évaluateur d’approfondir les raisons de cette diminution des multiples de 30%. Si l’on admet que la société objet de l’évaluation est affectée par la même tendance, le prix d’entrée ne sera donc plus représentatif de la valeur de marché bien que l’évaluation ait lieu seulement quelques mois après l’entrée de l’investisseur.
A l’inverse, si au bout d’un an l’évaluateur constate que les paramètres de marchés ainsi que les agrégats financiers la société restent stables depuis l’entrée, sans dégradation d’autres paramètres qualitatifs (e.g. stratégiques, commerciaux, etc.), les lignes directrices de l’IPEV n’empêchent pas l’évaluateur de maintenir la valeur de la ligne au prix d’entrée. Notons toutefois que, dans un environnement dynamique, la précision du prix d’entrée comme indicateur pertinent de la valeur d’un investissement est une fonction décroissante du temps.
Finalement, les lignes directrices de l’IPEV proposent une approche permettant de valider ou non que le prix d’entrée demeure un indicateur pertinent de la valeur d’un investissement au cours des exercices successifs d’évaluation. Toutefois, ces bonnes pratiques ne donnent pas véritablement de durée définie apriori pour le maintien de cette valeur au prix d’entrée. Elle présente cependant l’avantage de s’intéresser dès l’entrée aux paramètres orientant la valeur et de mettre en place les méthodes appropriées sans se soustraire du jugement de l’évaluateur (ou de l’investisseur) qui est invité à tenir compte des circonstances spécifiques de chaque investissement lors de l’application de ces lignes directrices.
[1] Il est à noter qu’ici nous avons considéré le prix de l’investissement récent comme un prix d’entrée et que le prix de l’investissement récent sur des prises de participations postérieures nécessite d’intégrer encore d’autres paramètres afférents à la comparabilité de la participation évaluée (droits et préférence des différentes classes d’instruments, nouvel investisseur motivé par des considérations stratégiques, etc.).
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